lundi 6 juillet 2020

Avis du 6 juillet 2020 sur le projet de casier pilote Bassée


Fédération des Associations de Protection de  
la Vallée de la Seine du Sud Seine et Marnais
Union d'association agréée et habilitée  au titre du code de l'environnement
Déclaration du 25 février 1977 (J.O. 17/03/1977)
http://fapvs77.blogspot.fr/     fapvs77@gmail.com
Maison dans la Vallée - 1, rue Lola Dommange  77210 AVON


Enquête publique du 10 juin au 10 juillet 2020
sur le projet d'aménagement hydraulique de la Bassée en Seine-et-Marne, et sur la mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme (PLU) de Balloy et de Gravon (Seine-et-Marne) avec la première phase du projet dite "site pilote"

OBSERVATIONS ET AVIS DE LA FEDERATION





Sommaire







A la commission d’enquête,

INTRODUCTION


         Selon le dossier, le projet d’aménagement de la Bassée prévoit la réalisation de 9 espaces endigués devant permettre de stocker temporairement les eaux de Seine en période de forte crue.

Le projet doit le maître d'ouvrage ainsi répondre aux objectifs suivants :
- Hydraulique et socio-économique : diminuer le niveau de la Seine depuis Montereau-Fault-Yonne jusqu’à la confluence Seine-Oise en cas de grande crue afin de limiter les coûts des dommages liés aux inondations en Ile-de-France
- Environnemental : contribution à la valorisation écologique d’une zone humide exceptionnelle qui s’est dégradée au cours des dernières années.

I. SUR L’ABSENCE D’ÉTUDE GLOBALE


         Dans la mesure où l’enquête publique ne porte que sur le premier élément d’une suite de travaux ayant un impact sur l’environnement, la logique juridique voudrait, comme nos collègues de l’Association des Naturalistes de la Vallée du Loing et du massif de Fontainebleau (ANVL) l’ont souligné, que l’évaluation d’impact porte sur l’ensemble du programme.
La jurisprudence communautaire le souligne : "l’objectif de la directive [concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement] ne saurait être détourné par le fractionnement d’un projet et que l’absence de prise en considération de l’effet cumulatif de plusieurs projets ne doit pas avoir pour résultat pratique de les soustraire dans leur totalité à l’obligation d’évaluation alors que, pris ensemble, ils sont susceptibles d’avoir des «incidences notables sur l’environnement»" (CJCE, 25 juillet 2008, Ecologistas en Acción-CODA contre Ayuntamiento de Madrid, affaire C-142/07; CJUE, 27 mars 2014, Ayuntamiento de Benferri, affaire C-300/13).

         Il a été choisi de dissocier les études d’impacts du casier avec celle de la canalisation à grand gabarit de la Seine (Voies Navigables de France VNF), il n’est évidemment pas possible d’en évaluer les effets cumulés tels que le prévoit l’article R 122-5 du Code de l’Environnement : "'l’étude d'impact comporte une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : Du cumul des incidences avec d'autres projets existants ou approuvés, en tenant compte le cas échéant des problèmes environnementaux relatifs à l'utilisation des ressources naturelles et des zones revêtant une importance particulière pour l'environnement susceptibles d'être touchées". Le dossier ne nous convainc pas sur ce point.

         Il nous apparaît que compte tenu de l’intrication des projets, l’État, maître d’ouvrage direct ou indirect à travers ses établissements aurait dû présenter un dossier global. Même si les deux maîtres d’ouvrages sont fonctionnellement distincts, nul ne peut contester qu’ils dépendent tant par les crédits, les autorisations données, la domanialité même du fleuve de l’État. Celui-ci ne peut permettre un projet sans que l’autre n’eut été étudié, car l’intrication des deux peut entraîner une neutralisation sinon une aggravation de la situation hydrologique.

         Le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) souligne le problème du lien avec le projet VNF : "Un autre projet majeur concerne la plaine alluviale de la Bassée et est également fortement soutenu par l’Etat : la mise au grand gabarit de la Seine entre Bray-sur-Seine et Nogent-surSeine. Or les deux projets – en plus d’être extrêmement onéreux (rappelons que l’évaluation pour le premier des dix casiers est comprise autour de 110 millions d’euros) ont des objectifs contradictoires : la canalisation de la Seine amont va limiter plus encore son potentiel de débordement et accélérer l’onde de crue vers l’aval. La neutralité hydraulique – défendue par le pétitionnaire, VNF – est contestée, y compris récemment par le PIREN[1] Seine. Les impacts sur la
biodiversité de la Bassée amont du projet de mise au grand gabarit sont vraisemblablement élevés pour les espèces de milieux humides. Dépenser de telles sommes d’argent public pour des projets contradictoires sur le même espace géographique, au sein de la zone humide la plus riche en biodiversité de la région Île-de-France, paraît manquer de cohérence".

 

II. SUR L’UTILITÉ PUBLIQUE


         L’opération « ne peut être légalement déclarée d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier, les inconvénients d’ordre social, la mise en cause de la protection et de la valorisation de l’environnement, et l’atteinte éventuelle à d’autres intérêts publics qu’elle comporte, ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente » (jurisprudence constante actuellement, issue du considérant de principe de l’arrêt Ville Nouvelle Est (Rec. 409) qui a progressivement été enrichi, notamment par : CE, 20 oct. 1972, Sté civ. Sainte-Marie de l’Assomption, Rec. 657).

A. Sur la proportionnalité des moyens employés avec l’objectif


         Comme le dossier le souligne c’est principalement les flux en provenance de l’Yonne qui sont une cause importante de la crue : "Le rôle prépondérant de l’Yonne et l’importance des dommages possibles provoqués par ses crues conduisent donc à intervenir en priorité sur cette rivière, en recherchant une solution optimale, et complémentaire à celle des lacs-réservoirs." (Pièce E2 Tome 1 - Evaluation environnementale du Projet global, p. 12).
Les crues de la Marne et de la Seine sont déjà en partie amorties par l’effet des lacs-réservoirs existants et des champs naturels d’inondation. L’Yonne se distingue néanmoins comme étant « l’enfant terrible » du bassin avec des crues plus rapides et plus violentes. A Paris, le pic de crue de la Seine correspond presque toujours (surtout pour les fortes crues) au pic de crue de l’Yonne. Ce bassin est par ailleurs le moins équipé, le barrage de Pannecière se situant très en amont et ne contrôlant qu’une faible partie des apports du bassin.
Le rôle prépondérant de l’Yonne et l’importance des dommages possibles provoqués par ses crues conduisent à intervenir en priorité sur cette rivière, en recherchant une solution optimale notamment par une action complémentaire à celle des lacs-réservoirs situés en amont." (Pièce E2 Tome 1 - Evaluation environnementale du Projet global, p. 297).

        
         Le graphique le démontre :


(Pièce E2 Tome 1 - Evaluation environnementale du Projet global, Figure 3 : principe de fonctionnement hydraulique de l’aménagement de La Bassée).

         Certes, l'idée de faire baisser la conjonction des eaux à Montereau peut trouver un certain sens Mais il est évident dès le début que le projet d'écrêtement fait fausse route en n'agissant pas sur les causes logiques.

         Les alternatives au pompage, c'est à dire des flux gravitaires de la Seine ou de l'Yonne ont été exclus, à cause du retard d'annonce des crues et de la lenteur du dispositif en limite capacitaire. Cela paraît discutable.

          La solution par rétablissement des méandres qui ralentissaient les crues a été, à notre avis, une variante (alternative 7) trop vite évacuée, d’autant plus qu’elle présente un intérêt économique.

 

B. Les inconvénients concernant la présence de digues, l’impact sur la faune et la flore


         Le projet implique la création d'une station de pompage et de l'inondation d'un secteur déterminé.
         Il parait difficile de croire que le deuxième objectif affiché du projet de "contribution à la valorisation écologique d’une zone humide exceptionnelle qui s’est dégradée au cours des dernières années" puisse être obtenu par une dégradation du paysage (digue et station de pompage) et une nouvelle artificialisation du site.

         La philosophie de l’environnement que notre génération souhaite paraît une question clairement posée par ce projet, et semble mériter réflexion.

         La  mission régionale d'Autorité environnementale (MRAE) s'est inquiétée du risque pour la faune, de l'impact sur la qualité de l'eau, d'une insuffisance du dossier paysager.
         Le CNPN s'inquiète de la mortalité des espèces qui seront aspirées. Le rapport souligne un risque pour 7.3 % des anguilles, malgré la grille, alors que c'est une espèce en péril. On note aussi un risque pour le muscardin.

         Sur 114 millions le prix de la restauration écologique est de 4 558 818 € HT, ce qui est la "portion congrue".

C. Les inconvénients financiers


         Le lecteur n'est absolument pas convaincu que le coût global affiché soit de 396 millions d'euros pour 2 300 hectares d’aire de stockage (Pièce E2 Tome 1 - Evaluation environnementale du Projet global, p. 302), si le site pilote coûte 114 millions déjà pour 386 hectares.

         Un calcul des plus grossiers donne un coût de 375 k€ par hectare, soit un minimum 862.500.000 € pour 2300 hectares ! En prenant 110 millions par casier, cela donne 990 M € pour l'ensemble.

         L'inconvénient financier paraît donc très nettement sous évalué. Le risque classique est d'engager des financements pour un projet global sous estimé.

CONCLUSIONS


En conséquence la FAPVS 77, association agréée et habilitée sur le plan départemental au titre du code de l’environnement, propose à la commission de rendre un AVIS DEFAVORABLE.

A Avon, le 6 juillet 2020.







[1]           Programme interdisciplinaire de recherches sur l'environnement,